Auteur :
Shan Sa
Genre : Drame
Editions :
Grasset
Publication :
5 septembre 2001
Pages : 342
Prix : 7,49€
(ebook)
Achat : Amazon
– La joueuse de go
Résumé
1937. Alors que la Mandchourie est occupée par l'armée
japonaise, une lycéenne de seize ans semble ignorer tranquillement la guerre,
les cruautés, les privations. Mélancolique, seule telle « un rouleau de soie cramoisie enfermé au fond d'un coffre en bois »,
l'adolescente joue au Go. D'où tient-elle cette maîtrise ? Place des Mille
Vents, la lycéenne s'amuse à mentir. Ses mains déplacent les pions sans jamais
se tromper, les joueurs s'assoient en face d'elle à une table gravée en damier
et la défient. Le Go est une esquive. Est-elle amoureuse de Min ou de Jing ?
Sait-elle qu'ils aident tous deux à la résistance contre les Japonais ? Entre
les bras duquel des deux perd-elle une virginité fiévreuse ? Elle ignore encore
son adversaire de demain : un officier japonais, à peine plus âgé qu'elle, un samouraï
de métal, sanglé dans le sacrifice nécessaire à la Patrie impérialiste qu'il
défend. « Agir c'est mourir »
pourrait-être la devise de ce puritain qui va chaque soir au bordel puisqu'il
ne sait pas aimer autrement. Ils vont s'affronter le temps d'une partie
quotidienne de Go, en silence, dans le bruit mat des pions déplacés. Ils
s'aimeront - sans un geste - alors que la Chine périt sous les Japonais qui
tuent, pillent, torturent. Min a été fusillé et Jing avili jusqu'à devenir
traître à sa cause, mendiant le pardon de la jeune Chinoise.
L'ambitieux roman de Shan Sa, loin d'être le chromo d'une
Chine idéale, a l'impassibilité implacable d'une guerre feutrée. Sous le
masque, la violence, la peur, le désir. Construit en une narration alternée,
chacun prend la parole à son tour, le roman nous laisse pénétrer l'intimité des
personnages. Ici la fureur de l'officier qui ne se reprend que trop tard. Ici la
naïveté et le chagrin de la Chinoise. Les phrases claquent telles la bannière
d'un clan mandchou.
Avis de Marie
Certaines lectures
sont l’occasion d’effectuer un voyage dans le temps et l’espace. Certaines
réussissent même à nous transporter très loin sur le plan émotionnel. La joueuse de go est un roman découvert
tout à fait par hasard. En me rendant à la bibliothèque, j’avais alors en tête
un livre plutôt léger et drôle, une petite comédie qui me changerait les idées.
Sauf que vous savez comment c’est, on rentre avec plus ou moins une idée de ce
que l’on cherche pour finalement ressortir avec des livres en plus qui n’ont
rien à voir. C’est donc comme ça que je suis tombée sur La joueuse de go. Sa couverture a tout de suite attiré mon œil,
très soft avec juste son fond
pourpre. Celle-ci est à l’image du roman qu’elle illustre : épurée et grave.
Ce roman nous emmène en
1937, alors que la Chine croule sous les bombes des Japonais. En plein
milieu de cette guerre, un village, reflet d’une gloire passée, est
relativement épargné. Dans ce village, une
adolescente repoussant ses prétendants à coup de parties de Go. Ce jeu de
stratégie est l’occasion pour la jeune fille de s’évader de son morne
quotidien. Entre d’un côté la guerre, de l’autre sa sœur malheureuse en mariage
et ses deux prétendants, elle a besoin
d’oublier, l’espace de quelques instants, le poids de ce quotidien, pour
s’élever loin de ces inquiétudes. Qui de
Min ou de Jing choisira-t-elle ? Est-elle obligée de choisir ?
Pourquoi le ferait-elle ? Aimerait-elle Min sans Jing ? Aimerait-elle
Jing sans Min ? L’adolescente tourne et virevolte, devient femme mais
ne parvient pas à se décider. En quête
d’elle-même, d’un sens à sa vie, c’est dans le go qu’elle s’épanouit.
Dans ce village,
arrive un jeune officier japonais, fier de sa patrie, heureux de mourir pour
elle s’il le faut. Génération engagée, il
voit dans cette guerre la renommée de son pays et un salut pour la Chine. Il verra dans la joueuse de go son ultime
adversaire. Sans un mot, sans un
geste autre que le mouvement des pions sur le damier, ils vont s’affronter
implacablement… et s’aimer. Cet amour contraste par le déchaînement de
violences autour d’eux. Seuls au milieu de la tempête, ils demeurent
inébranlables, chacun absorbé dans le jeu de l’autre. Le go apparaît alors
comme une ancre, qui maintient leur esprit élevé, loin des évènements qui se
déchaînent autour d’eux, contre eux.
L’alternance des
points de vue des deux protagonistes nous plonge dans leurs pensées les
plus intimes. Perdus, ils n’en demeurent
pas moins forts dans la tourmente et il est difficile de prendre parti pour
l’un ou l’autre. Après tout, ce ne
sont que deux jeunes gens qui luttent pour leurs convictions, pour leur
pays, chacun à sa manière. Cette lutte
les mènera-t-elle à leur perte ? Ne vivent-ils pas pour une cause
perdue d’avance ? Dès le départ, leur amour est condamné. Mais en ont-ils
seulement conscience ? Le lecteur
est ici cantonné au rang de simple spectateur, sans prise aucune sur le cours
des évènements. Tenu à distance, il sait qu’il ne peut que subir tout ce
qui va suivre, à l’image des deux jeunes
gens. Tout est joué d’avance, la fin
est inéluctable. Symboles de deux fières nations, la joueuse de go et le
soldat incarnent les nouvelles générations qui, de par leur passivité, ont
conduit à la terrible suite des évènements que nous connaissons. Comment un
pays a-t-il pu se laisser conquérir aussi facilement ? Comment les
Japonais ont-ils pu pousser aussi bien leur conquête ? Entre passivité,
complicité, collaboration et haine de l’autre, Shan Sa inscrit ses personnages dans une réalité historique et leur
confère, à eux aussi bien qu’au contexte, davantage de crédibilité.
La joueuse de go est un très beau roman, aussi simple qu’efficace. Sous une plume aussi poétique que légère, le soldat japonais et la jeune Chinoise prennent vie et nous font vivre l’espace d’un court instant toute l’intensité de leurs émotions.
La joueuse de go est un très beau roman, aussi simple qu’efficace. Sous une plume aussi poétique que légère, le soldat japonais et la jeune Chinoise prennent vie et nous font vivre l’espace d’un court instant toute l’intensité de leurs émotions.
Je ne connaissais pas du tout ce roman mais tu m'as intriguée :)
RépondreSupprimerAha tant mieux alors ! J'espère que tu te laisseras convaincre ;)
SupprimerC'est la première fois que je lis un avis sur ce livre ! Il traîne dans ma pal depuis plusieurs années, et ton avis me donne très envie de le lire d'ici peu :)
RépondreSupprimerOh oui ! Lis-le, tu vas voir, non seulement l'histoire est bien mais en plus il se lit super vite !
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