Auteur : Haruki Murakami
Titre
VO : Shikisai o Motanai Tazaki Tsukuru To, Kare
No Junrei No Toshi
Traduction : Hélène Morita
Genre : roman initiatique
Éditions : 10/18
Publication : 2 septembre 2015 (poche)
Pages : 360 pages
Prix : 8,10 €
Quatrième de couverture
À Nagoya, ils étaient
cinq amis, inséparables. Akamatsu était surnommé Rouge ; Ômi était Bleu ;
Shirane était Blanche et Kurono, Noire. Tsukuru Tazaki était, lui, sans
couleur. Puis Tsukuru a gagné Tokyo. Un jour, ils lui ont signifié qu'ils ne
voulaient plus jamais le voir. Sans raison. Pendant seize ans, celui qui est
devenu architecte a vécu séparé du monde. Avant de rencontrer Sara. Pour vivre
cet amour, Tsukuru va entamer son pèlerinage, et confronter le passé pour
comprendre ce qui a brisé le cercle
Avis de Clément
Il va m'être difficile de
rester objectif, tant j'aime cet auteur et son univers. Je ne pense toutefois
pas trop m'avancer en affirmant qu'il s'agit probablement d'un des romans les
plus aboutis du célèbre auteur japonais.
Tsukuru Tazaki est architecte
ferroviaire (il construit et aménage des gares) à Tokyo. Il mène une petite vie
bien rangée, pour ne pas dire ascétique. Il a parfois des petites amies, mais
reste célibataire. Jusqu'au jour où il rencontre Sara. Leur relation naissante
amène Tsukuru à s'ouvrir, à revenir sur un épisode traumatisant de son
passé : le moment où ses amis les plus proches ont décidé, sans sommation
ni justification, de l'exclure définitivement de leur petit groupe. Sara,
convaincue que ce poids laissé au fond de Tsukuru l'empêche d'aller de l'avant,
ne lui laisse pas le choix : il doit retrouver ses anciens amis et
faire la lumière sur ce qui s'est passé il y a plus de dix ans.
Ce n'est pas pour rien si
cette histoire a été qualifiée de roman initiatique. Tsukuru doit en
effet affronter son passé au cours d'un voyage aussi bien physique que
spirituel, au cours duquel il en apprendra autant sur lui-même que sur les
autres. Le pèlerinage de Tsukuru Tazaki va non seulement l'amener à revoir ses
anciens amis, mais aussi à revenir sur leur passé commun et sur les relations
nouées avec d'autres personnages depuis son exclusion. La narration s'attarde
d'abord sur Tsukuru et son histoire, racontée à travers ses discussions avec
Sara, puis passe au pèlerinage à proprement parler. L'équilibre entre les
différentes étapes du récit est parfaitement maîtrisé, permettant à toute
l'histoire d'être traitée sans temps mort ni longueur. Chaque personnage
permet d'apporter son lot de nouveautés : nouvel environnement,
nouvelle personnalité, et surtout nouvelles révélations sur le fil rouge de
l'histoire : les raisons pour lesquelles les amis de Tsukuru lui ont
tourné le dos.
Les rencontres avec les
différents personnages, du passé comme du présent, permettent d'aborder le
thème du temps qui passe, et de l'effet de celui-ci sur les liens que l'on
entretient avec autrui. Le roman traite également d'un autre thème
majeur : la nécessité de surmonter ses blessures et de trouver en soi
la force d'avancer. L'histoire de Tsukuru captive avant tout car elle est
profondément humaine, et touche à des questionnements qui interviennent
forcément à un moment où à un autre de la vie de chacun. Mais elle captive
aussi de par le style d'Haruki Murakami, dont la réputation de page-turner n'est plus à faire. Son
écriture est toujours légère, aérée et douce. Je ne saurais comment
l'expliquer, mais elle nous porte lentement mais sûrement, au travers d'une
histoire tantôt très noire et tantôt poétique, agrémentée de références au jazz
et à la musique classique.
Si j'estime que L'Incolore Tsukuru Tazaki est un des
romans les plus aboutis d'Haruki Murakami, c'est parce qu'il fait une synthèse
idéalement dosée de ce que fait de mieux l'auteur, au niveau de l'histoire,
des personnages et des messages transmis, le côté onirique, iréel, voire
complètement perché de certains de ses romans, réduit à la portion congrue. Ce
livre me semble ainsi beaucoup plus accessible que La Fin des Temps ou Danse
Danse Danse quant au sens des événements décrits, et que la trilogie 1Q84 ou Kafka sur le Rivage quant à sa longueur. Par ailleurs, cette
œuvre permet de renouveler quelque peu le travail de Murakami, qui a, et
c'est pour moi le principal défaut de l'auteur, tendance à reprendre des cadres
très similaires pour ses histoires, se contentant de renouveler les intrigues.
Ici, le fait de prendre pour héros un personnage sur la fin de la trentaine,
confronté à son passé et amené a grandir, donne un sentiment rafraîchissant
pour ceux qui, comme moi, ont quasiment lu tout Murakami.
L'Histoire de Tsukuru Tazaki est universelle. Elle
touche autant qu'elle fait réfléchir. Elle nous fait vivre avec son héros les
différentes étapes de l'acceptation de soi, de son passé et de ses
possibilités. Avec L'incolore Tsukuru
Tazaki et ses années de Pèlerinage, Haruki Murakami signe probablement son roman
le plus touchant depuis La Ballade de
l'Impossible, tout en ménageant une porte d'entrée idéale pour ceux qui ne
sont pas familiers avec son petit monde. Une entière réussite pour un auteur à
mon sens incontournable.
Extraits
« Lorsqu' il avait rencontré Sara pour la
première fois, Tsukuru avait été curieusement séduit par son visage.
Au sens habituel du terme, elle n'était pas belle. Ses pommettes
saillantes lui donnaient un air plutôt obstiné, son nez était légèrement
pointu. Mais il y avait dans ce visage quelque chose de très vivant qui avait
retenu son attention. »
« - Vous avez raison, le talent est sans doute
quelque chose d'éphémère. Et certainement, peu d'hommes peuvent compter dessus
jusqu'au bout. Pourtant, il permet parfois de donner naissance à des choses qui
témoignent d'un magnifique bond spirituel. Qui transcendent l'individu en tant
que phénomène indépendant, universel. »
Midorikawa réfléchit un moment. ‘’Mozart et Schubert sont morts jeunes,
mais leur musique vit éternellement. C'est ce que tu veux dire ?
-Oui par exemple’’ ».
Note
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Coup de cœur ! |
Félicitations pour cette première chronique et bienvenue à ce nouveau collaborateur sur le blog :)
RépondreSupprimerUn coup de cœur mérité !
RépondreSupprimerJe n'ai toujours pas lu de livre de cet auteur mais ton avis me donne envie de le découvrir !!!
RépondreSupprimerquel hasard! J'ai justement une amie fan de Miyazaki. L'année passée, elle avait lu 1Q84 et avait adoré, me tannant depuis pour que je le lise à mon tour. Et au moment où j'entamais la trilogie, je vis ce livre sur les étagères du CDI du lycée; mon amie s'en est emparée et elle l'a dévoré! Ce qui me donnait déjà envie de lire ce livre... mais maintenant, je suis sûre qu'il se retrouvera entre mes mains :)
RépondreSupprimerTa chronique est très intéressante ! J'ai adoré ce livre et j'ai découvert ce merveilleux auteur ! Moi aussi j'ai fais une chronique (https://journalacoeurouvert.blogspot.fr/2016/04/lincolore-tsukuru-tazaki-et-ses-annees.html)
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